Franchement... Dis moi pourquoi je suis encore là ? Pourquoi je traverse encore ce tunnel vers la mort ? Franchement, dieu, il est con. Il fait pas tout les tunnels de la même taille. Il y en a qui doivent marcher longtemps, d'autre qui on a peine le temps de se fatiguer. Et moi, j'suis fatigué. Je voudrais prendre un pistolet, et mettre fin a cet horrible tunnel. Je voudrais en sortir, pour voir enfin de l'autre côté. Si ça se trouve, il n'y a rien. Mais je m'en fiche. Dans mon tunnel non plus il n'y a rien. Les autres idiots qui m'ont accueillis avaient raison : Je ne ferais jamais rien de ma vie. A quoi ça sert de vouloir être milliardaire, puis ce que, quand on y arrive, on est déjà à la fin de notre vie ? Décidément, j'y comprendrais jamais rien ...

La sonnerie de mon portable m'interrompit dans ma réflexion. Je soupirais, pris mon portable sur ma table de chevet, et appuya sur le bouton rouge sans même prendre la peine de regarder qui c'était. Je jetais brièvement un coup d'oeil à l'heure : 22h45. Ah, j'avais raté depuis longtemps le couvre feu... Tant pis, j'avais pas prévu de dormir, comme beaucoup d'élèves dans ce lycée de toute façon. Je me redressais sur mon lit, me passa une main dans mes cheveux, regardant distraitement dehors, avant de me lever sans un bruit, d'attraper ma veste en cuir, et de sortir, faisant attention a ne faire aucun bruit, histoire de ne pas perdre de temps avec les surveillants. Je ne savais pas où j'allais, mais j'y allais.

Dehors, la nuit était fraîche, normal en même temps, pour la saison. Je resserrais un peu ma veste contre moi, frissonnant. Je jetais un coup d'oeil a côté de moi, repérant une boite de nuit. Je décidais d'y rentrer, profitant du fait qu'il n'y ai pas énormément de queue pour l'instant. Je rentrais rapidement, et m'assis au bar, commandant une bière. C'est a ce moment que j'entendis une voix de fille chanter. Je me retournais par réflexe, mais resta bloqué en voyant a qui appartenait cette voix.

Je l'écoutais attentivement chanter, comme captivé par sa voix. Non, je ne réagissais pas comme tout les autres abrutis qui se tapaient du coude, surement se chuchotant "Elle a l'air bonne!" ou "J'me la ferais bien elle". J'étais juste skotché. Pour la première fois de ma vie, je regardais quelqu'un avec insistance sans penser au sexe derrière. C'était quelque chose d'exeptionnel chez moi. Je la regardais quand elle descendit enfin de la scène. J'aurais voulu aller l'aborder, la séduire, la mettre dans mon lit, puis partir, l'oublier comme toutes mes autres histoires d'une nuit, mais je sentais que ça n'allait pas se passer comme ça. Déjà, je n'osais pas aller la voir. Je n'étais pas du genre timide, mais une raison inconnue me soufflait a l'oreille que tout aller mal se passer. Que j'allais en prendre un coup sur ma dignité, mais ce n'était qu'un pressentiment, rien de plus. Pourtant, j'avais peur que ça arrive, ce que n'était pas dans mes habitudes. Je me décidais enfin a me lever, et à m'approcher d'elle, mais alors que je n'étais plus qu'à un mètre d'elle, je sentis quelqu'un me bousculer, ce qui me fit tomber en avant. Je me rattrapais de justesse a son épaule, me sentant soudainement gêné.

-Hum ... Excusez moi ... Je ne voulais pas ...

J'avais pris ma voix le plus sure possible, tout en me redressant. Je ne pense pas que c'était franchement convainquant mais bon ....

Je la regardais, attendant qu'elle réagisse. Quand elle me parla enfin, étrangement, je me sentis tellement soulagé de l'intérieur qu'elle ne m'ai pas envoyé bouler. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivais. En général, quand une fille m'envoyait chier, je m'en foutais, c'est d'ailleurs ce qui faisait mon assurance. Je la regardais, me passant nerveusement une main dans les cheveux.

-Non, laissez tomber ... J'pense pas que ça ai une importance.
Mais vous pouvez ... Enfin, tu peux me tutoyer tu sais.

Oui, j'avais été élevé dans l'idée que quand on proposait aux gens de nous tutoyer, on devait le faire a leur place avant eux. Je la regardais dans les yeux quand elle me proposa un verre. Un espèce de tique que je faisais souvent, force de draguer avec cette tactique. Les gens disaient que j'avais quelque chose dans mon regard d'étrange, de bizarre. Quelque chose de bizarrement attirant pour le délinquant que j'étais, et j'en étais fier pour tout dire.

-Merci mais non ... J'ai pris l'habitude de ne jamais me laisser offrir mes verres ...

Je ne pus retenir une légère grimace quand elle me dit que je devais vite me décider. Je tendais la main vers elle, légèrement, mais très légèrement plus décidé que tout a l'heure.

-Peut être que ça me laissera au moins le temps de me présenter ... Zasha Claws Taylor. Mais appelle moi simplement Claws.

Je laissais mon regard dans le sien, souriant très légèrement quand elle accepta ma proposition de tutoiement. J'écoutais en même temps, d'une oreille distraite, la musique qui passait sur le show de la fille sur la scène. Rien qu'à la musique qui passait dans les hauts parleurs, je pouvais deviner que ça devenait assez hot. Mais je n'avais pas envie de regarder. Non, je ne lâchais pas le regard de cette fille. Cette fille qui me faisait un effet si étrange.

Il y aurait pu avoir un coup de feu, un tremblement de terre, une explosion atomique, je n'aurais pas détourner mon regard d'Esmeralda ... Et elle disait que mon prénom n'était pas très courant ! J'avais bien l'impression que même Claws était plus courant qu'Esmeralda. Ce que j'en pensais moi ? Bien ... Ce prénom me faisait de suite penser au film de Disney, là, qui se passe dans Notre-Dame de Paris. Et bon, je trouvais ça enfantin au possible. Je me rappelais quand j'étais en maternelle, toutes les filles appelaient leurs poupées, soit Fleur, soit Esmeralda, soit Jolie, enfin, des noms comme ça quoi. Lorsqu'elle se présenta, j'eus la première impression qu'elle me donnait un truc genre nom de scène. C'était vrai qu'Esmeralda PLUS Malicia PLUS Lunatica, ça faisait vraiment nom fleure bleue quoi. Enfin, je pensais, je pensais, mais le miens n'était pas réellement mieux. Zasha, qui n'était franchement pas courant, et qui ne devait même pas exister, Claws, un mot du dictionnaire Anglais. Il n'y avait que mon nom de famille a peu près normal. Mais remarque, je préférais m'appeler Claws plutôt que Jean-Pierre, Bernard, ou des trucs comme ça.

-De même ... Esmeralda.
Tu dis ça mais ... Ton nom non plus n'est pas commun. Surement à cause de la princesse Disney qui l'a porté

Je la regardais rire, mais resta complètement de glace. J'avais perdu l'usage du rire il y a bien longtemps. A vrai dire depuis que mes parents étaient morts. Je sentis ma gorge se serrer a l'évocation de ce souvenir. Je me revoyais dans la voiture, les vitres pleines de sang, le silence dans la voiture quand je les avait appelé. Tout ça n'était que horrible. Rien de plus. Pesant, blessant, enfin, tout ce qu'on voulait.

Je me repris assez vite, la regardant, me passant de nouveau une main dans les cheveux. Malgré le fait qu'elle me faisait un effet bizarre, je ne disais pas que je n'avais pas envie d'elle. Elle me faisait même un effet fou. Mais j'étais tout de même plus subtile que tout ces idiots qui arrivaient en disant "Est ce que tu baise ?". Non, j'aimais m'y prendre au moment ou elle s'y attendait le moins pour tout dire, la coincer dans un angle, contre un mur, et en finir vite fait, mais elle, il n'y avait pas que de l'envie sexuelle. Non, il y avait bien plus. Beaucoup plus. Quelque chose que je n'avais jamais ressentis au par avant. Quelque chose de fort et d'étrange, de blessant et de protecteur, de rassurant et d'inquiétant a la fois. Tout ça.

-Tu peux toujours parler ... Zasha Claws, je ne sais même pas où ils sont partis trouver ces prénoms ...
Non, je suis installé ici. Je suppose que toi aussi, vu que tu es embauchée dans cette boite de nuit ...

Je posais ma main sur ma jambe, et resserra légèrement ma prise sur mon jean. Je ne savais pas pourquoi j'étais aussi nerveux, bien que ma nervosité ne se voit pas de l'extérieur. Je restais toujours neutre, le regard plongeant dans le sien.

Je la regardais, ne baissant pas me regard. Je l'observais me parler, faire tout ses gestes, qui me semblaient si synchronisés, tellement bien fait. Je n'y comprenais vraiment plus rien. J'avais eu des milliard d'expérience dans ma vie. En général, j'arrivais toujours a voir net dans la plus compliquée des situations, mais là , j'étais perdu. Je ne reconnaissais pas ce chemin, je n'y étais jamais passé, c'était un fait. Et j'avais peur. Oui, j'avais peur de me perdre pour de bon. De devoir m'aventurer plus loin sur ce chemin, et au final, de me retrouver meurtrit. Tout comme je l'avais été plusieurs années au par avant. Je me rendis compte que dans ma réflexion, j'avais baissé le regard. Je le remontais vite sur Esmeralda.

-Tu chantes très bien, tu sais ...
Je chantais aussi, à un moment, mais j'ai arrêté depuis.

Je me mordis la joue, signe de mon gêne, comme à chaque fois que je parlais de mon passé. A vrai dire je détestais ça plus que tout. Mais je me rendais de plus en plus compte que, je n'avais pas envie de coucher avec elle, j'avais besoin de coucher avec elle. C'était tellement différent. Oui, j'en avais besoin. Pour me rassurer, me faire rendre compte que l'impression d'être perdu n'était qu'un pressentiment, qu'en fait, tout était bien comme avant.

Vu les cris déchainés que j'entendais derrière moi, la fille qui faisait son show devait être entièrement nu. Je trouvais ça ridicule. Trop facile. Je préférais gagner mon butin moi même, pas le voir s'offrir devant moi, et devant des dizaines d'autres mecs.

Je la regardais, me retenant de baisser le regard quand elle me demanda pourquoi j'avais arrêté de chanter. Pour beaucoup de raison. Le manque de temps, le côté trop romantique que ça me donnait, mais bien pour une raison précise. Une raison, tellement idiote, mais qui me tenait particulièrement a coeur. Je me frottais le bras, essayant de lui expliquer tout en restant discret, sans rien révéler. Je laissais mon regard dans le sien. Elle avait un regard tellement pur, tellement innocent même. Pourtant, je me doutais bien qu'elle était tout le contraire, mais cette illusion, ces sortes de cristaux, de diamants, d'étoiles qu'il y avait dans ses yeux, cela me faisait un effet bizarre.

-Pour beaucoup de raison en fait ... Mais on va dire que c'est principalement parce que je n'avais pas tellement de talent pour chanter, puis, ma grosse erreur, est d'avoir commencer trop tôt. Sur mes 4 ans, mon père a commencer a m'apprendre la musique, mais plus tard, je n'arrivais plus a jouer une note sans avoir ... un arrière gout amer sur la pensée.

Je la regardais soupirer, lentement, comme si quelque chose l'embêtait. Je la vis se lever, restant de pierre, comme toujours, mais frissonna, et ferma les yeux lorsqu'elle vint plaquer sa bouche contre mon oreille. Je posais ma main sur son épaule, serrant légèrement mon emprise sur celle ci. Je lui murmurais a mon tour :

-Mais bien évidemment ...

Je la laissais ensuite se reculer, ne la lâchant pas du regard, m'abstenant toujours de sourire, comme le voulait mon attitude, froid, associable, et solitaire.